La représentation des noirs dans l’art occidental

ART

La représentation des Noirs dans l’art occidental forme une longue série de préjugés, illustrant l’évolution du regard portée sur ces modèles Noirs, que seul un prénom ou un surnom dénigrant a longtemps suffi à nommer. La place des Noirs, marginale dans l’art d’Occident, est devenue un sujet d’étude depuis les années 1990.


La conquête de la Péninsule Ibérique par les troupes musulmanes au 11e siècle, accroît la présence des Noirs en Europe et l’arrivée d’esclaves d’Afrique vient s’ajouter aux Blancs déjà exploités. En 1500, 10% de la population était Noire dans les villes d’Europe du Sud, comme Séville ou Lisbonne. Néanmoins, les représentations valorisantes de ces ethnies sont inexistantes.

Olympia, Edouard Manet, Huile sur toile, 1863

L’Olympia, peinte par Edouard Manet en 1863, est le reflet du désintérêt et du mépris observé à l’époque par la société à l’égard des Noirs dans l’Art européen. Une femme Noire, probablement domestique, occupe un tiers de cette toile et pourtant, tous les intérêts sont tournés vers la femme Blanche et l’insignifiant petit chat en bout de toile sur lequel des centaines d’interprétations ont été écrites.

Anthony van Dyck, Marchesa Elena Grimaldi Cattaneo, 1623

La colonisation et la mise en esclavage de millions de Noirs alimente l’expression décomplexée d’opinions profondément racistes. Ils sont représentés avec un teint uniforme, sans nuance et sans lumière dans le but de mettre en valeur le teint laiteux du Blanc. « Posséder un Noir » était considéré comme un signe extérieur de richesse, ce qui explique les multitudes d’œuvres représentant ces scènes.

Hans Memling, “L’Enfer”, polyptyque de la Vanité terrestre et de la Rédemption céleste, v. 1485, huile sur bois.

Par sa peau brune, ses traits peints de manière zoomorphe, à peine humains, L’Homme Noir symbolisait la monstruosité et la bestialité, souvent associé au diable durant le Moyen-Âge. Il était bichrome, de rouge et de noir, avec des cornes et des oreilles pointues, reflétant l’Enfer et la terreur. S’il n’était pas représenté en monstre ou en esclave, il reflétait le sauvage ignorant, aux pieds du Blanc, recevant l’évangélisation malsaine forcée et imbriquée à la colonisation.

Les clichés physiques de L’Homme Noir quant à sa force et ses atouts physiques sont cultivés dans l’art occidental de l’époque. En effet, l’Homme Noir était une « bête qu’il fallait dompter », à réduire et féminiser pour le rendre plus docile et ce par le port de bijoux. Ainsi, seuls les esclaves Noirs sont représentés avec des boucles d’oreilles « créoles », qui tirent leur nom de cette origine, afin de les féminiser et les renvoyer aux chaînes de leur captivité.

Christian van Couwenbergh.. Scène de moeurs dit le rapt ou le viol de la négresse. 1632.

Les femmes Noires sont quant à elle hypersexualisées et animalisées, creusant un puits intarissable de fantasmes pour l’Homme blanc, qui ne manquera pas de représenter avec fierté des scènes de viols collectifs dans ses peintures.
Certaines naissances sont le fruit malheureux de ces viols, de colons Blancs sur des esclaves Noirs.

Le Portrait d'Alexandre de Médicis, Giorgio Vasari, huile sur toile 1534. Et Alexandre de Médicis, duc de Toscane, par Jacopo Pontormo.

À l’image d’Alexandre de Médicis, métis, faisant déjà les frais de ce que l’on appelle aujourd’hui le whitewashing, puisqu’il était peint tantôt noir, tantôt blanc.

William Hoare, Portrait d'Ayuba Suleiman Diallo vers 1733

Une des premières représentations de personnes Noires valorisées, illustrée pour ce qu’elle est et non comme un objet du décor, est celle d’Ayuba Suleiman Diallo. Il s’agit d’un ancien esclave érudit ayant rejoint la haute société, portraituré avec les codes de noblesse. C’est le savoir qu’avait acquis Ayuba Diallo, qui lui permettra d’être peint de cette façon. Comme dans notre société actuelle, le Noir se doit d’exceller pour exister, là où le Blanc peut se contenter d’être quelconque.

Plus récemment, des artistes comme Jean-Michel Basquiat et d’autres avant lui, ont bousculé les codes de la représentation des Noirs dans l’art. Profondément engagé contre le racisme et les inégalités, Basquiat peindra sa colère dans l’espoir d’une future nouvelle historiographie dans l’art.

C’est également ce qu’a tenté de faire Josephine Baker dans les années 1930. Cette dernière était une chanteuse et danseuse afro-américaine à succès installée en France, plus tristement connue pour son corps voué au divertissement du Blanc, plutôt que pour ses engagements contre le racisme pourtant bien présents.

Marie-Guillemine Benoist, Portrait de Madeleine, 1800

Aujourd’hui, l’initiative des musées et des centres d’exposition est de valoriser le public Noir et effacer l’aspect dénigrant des œuvres. Pour ce faire, les noms de toiles à connotations racistes sont rebaptisés. En 1800, Marie-Guillemine Benoist peint le « Portrait d’une négresse », renommé « Portrait d’une femme Noire », puis « Portrait de Madeleine » par le musée du Louvre dans les années 2000. Cette initiative peut être perçue comme un élan de valorisation mais elle tend également à lisser l’Histoire de son passé raciste en la falsifiant.

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INTERVIEW : Amine Habki